Un petit passage de Soleil Levant ! Un extrait qui se passe aux USA...
Extrait chapitre 14
Damien fonça dans la rue prendre un taxi qui l’emmena à une agence de location de voiture. Il y récupéra une carte routière, et choisit une voiture puissante. Il avait bien conscience que ce qu’il faisait n’était pas raisonnable, mais il ne voulait pas attendre un hypothétique avion. Il avait besoin de retrouver Claire, il ne pouvait pas rester inactif.
Il était déjà engagé sur l’interstate 95 quand son portable sonna. Il avait installé son oreillette, et décrocha immédiatement :
- Allô, Claire ?
- Non, Damien. C’est Michèle.
Son cœur rata un battement. Il craignait trop la raison de l’appel de sa belle-mère. Il tenta de prendre un ton dégagé :
- Oui ? Que puis-je pour toi ?
- Me dire si tu es bien avec ma fille, par exemple ?
Il grimaça :
- Non, pourquoi ? Tu cherches à la joindre ?
- Tu m’étonnes ! Tu sais au moins qu’il y a un ouragan qui arrive sur Miami ?
Il ne s’offusqua pas du ton un peu sec de sa belle-mère : elle était visiblement angoissée. Il ne trouva pas la force de mentir :
- Je sais. Je suis en voiture, je fonce retrouver Claire. J’étais à New York.
- Tu penses aller plus vite que les éléments ? Tu es à près de deux mille bornes ! Je m’en veux de ne pas avoir regardé les infos plus tôt… Damien, si l’ouragan n’est pas arrivé, ça ne saurait tarder. Où est ma fille ?
- Je n’en sais rien ! J’ai cherché à la joindre, mais elle ne répond pas.
Il y eut un silence, puis la voix terriblement inquiète de Michèle :
- Moi non plus, je n’arrive pas à la joindre… Retrouve-la. Vite.
- Je fais le maximum.
Les heures passèrent, le soleil se coucha, la nuit tomba, et le jour revint… Aux premières lueurs de l’aube, Damien atteignait un seuil de fatigue, et de stress, qui dépassait tout ce qu’il avait jamais connu.
Il terminait de faire le plein d’essence dans une petite station-service du côté de Savannah, en Géorgie, quand son portable sonna. Toujours désespéré par le besoin d’entendre sa femme, et les dizaines d’appels sans réponses qu’il lui avait passés, il répondit précipitamment :
- Claire !
- Non, Damien. C’est Michèle. J’espérais que tu avais eu des nouvelles, mais apparemment non.
- Rien, rien de rien. Je roule, je fais le maximum.
- N’en fais pas trop non plus ! Tu vas finir par avoir un accident. Ça n’aidera personne.
Elle soupira, et ajouta avec lassitude :
- On a les premières estimations des dégâts : il y a deux morts en Floride… Je ne sais pas qui.
Il inspira brusquement, et lâcha :
- Ce n’est pas Claire. C’est impossible.
Il sursauta, quand sa belle-mère s’emballa soudain :
- Tu n’en sais rien ! Pourquoi, mais pourquoi as-tu emmené ma petite fille aussi loin, si ce n’était pas pour rester auprès d’elle ?
Plus coupable et angoissé que jamais, il murmura :
- Je suis désolé, Michèle…
- Désolé, oui c’est ça ! Et bien retrouve ma fille, et je te pardonnerai peut-être !
Il constata avec tristesse qu’elle avait raccroché. Il savait qu’il ne devait pas se sentir blessé : sa belle-mère était au-delà même des affres de l’angoisse. Elle avait juste eu besoin de quelqu’un sur qui passer ses nerfs. Mais elle avait raison : tout était de sa faute. S’il perdait Claire, si les enfants étaient privés de leur mère à cause de sa bêtise…
Sans vouloir poursuivre plus loin sa pensée, par peur de s’effondrer, il remonta en voiture, et rejoignit la route. Il lui restait encore 485 miles[1] à parcourir.
Et il ne comptait pas s’arrêter pour dormir avant de les avoir faits, et d’avoir serré sa femme contre lui.
[1] Environ neuf cents kilomètres
Le soleil recommença sa longue et immuable descente sur l’horizon. Damien arrivait à Fort Lauderdale, et était entré en Floride depuis un moment. Il n’en avait plus que pour une petite demi-heure de route avant d’arriver à Sunny Isles Beach. Il avait réussi à suivre l’interstate 95 tout le long de son terrible trajet, mais en arrivant en Floride, il avait dû faire avec les nombreux dégâts laissés par l’ouragan.
Dans l’ensemble, il n’avait pourtant pas perdu trop de temps, et lorsqu’il s’engagea dans la rue de son immeuble, il avait la nausée, n’arrivant même plus à correctement penser.
L’immeuble avait souffert. Il leva tout de suite le regard sur le dernier étage, et son cœur s’arrêta à sa vision. Les fenêtres n’avaient pas survécu à la force de l’ouragan, et les rideaux volaient encore au vent.
À vrai dire, c’était bien leur appartement qui semblait avoir été le plus touché.
C’est à cet instant précis qu’il céda le pas à un désespoir comme il n’en avait encore jamais connu. Il s’arrêta brusquement sur le bas-côté de la rue, et s’effondra en larmes sur son volant.
Épuisé par les profonds sanglots qui lui secouaient les épaules, il remarqua à peine le policier qui tapait doucement contre sa vitre. Il leva un regard perdu sur l’homme qui le fixait :
- Monsieur. Vous ne pouvez pas stationner ici.
La gorge terriblement nouée, il eut du mal à trouver ses mots :
- C’était mon appart’ là-haut. Et ma femme…
Le policier leva le regard vers la portion d’immeuble qu’il lui indiquait :
- Ah oui, là-haut ? Écoutez, ne vous inquiétez pas, il n’y a eu aucune victime dans cette rue. Votre femme va forcément bien.
Incrédule, il mit une seconde à comprendre ses mots. Il sortit de la voiture, et reprit :
- Vous êtes sérieux ? Aucun mort ?
- Pas un. Mais Monsieur, je vous le redis, vous ne pouvez pas rester là.
Mécaniquement, il rentra dans sa voiture, et partit se garer dans le parking de l’immeuble.
Il courut ensuite dans le hall d’entrée, où il trouva de nombreuses personnes : visiblement perdues, et rescapées, mais en bonne santé. Il cherchait vivement Claire des yeux, s’arrêtant dès qu’il croyait la reconnaître. Malheureusement, arrivé au bout du couloir, il n’avait toujours pas retrouvé sa femme.
Terriblement malheureux, il se laissa tomber sur le sol près de l’ascenseur, la tête entre les mains.
Où était Claire ?
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